Chapitre 4 - CONSEIL

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CONSEIL

En quittant Voojing, les voyageurs rencontrèrent un marchand de poteries, rond et affable du nom de Jarangjit. Ils arrivèrent à se faire enrôler comme gardes pour protéger sa marchandise jusqu'à Choker, qui se trouvait sur leur route. L’homme craignait une attaque des fanatiques de Khalinga. Il apprit aux protecteurs de Karisma que les fanatiques s’attaquaient principalement aux temples et aux fidèles de Shivalinga (le dieu de la Guerre, frère de Khalinga et son plus grand ennemi) ainsi qu’à ceux de Jainor (dieu des éléments) car selon eux il n’était qu’un reflet du culte Tang-Shi. Ils passèrent par Madhura, traversée par la rivière Madhur. Une ville calme et prospère en lisière de la forêt. Ils laissèrent Jarangjit à Choker et continuèrent seuls les jours suivants, mais plus riches de trois cents pièces d’argent. Puis ils quittèrent la province de Voojing pour entrer en Dorma, la province centrale de la Confrérie. Lors d’une brève halte dans la ville frontière de Surat, depuis laquelle partait un mur qui protégeait le Voo de la Confrérie d’une éventuelle attaque venant de Gavanesh, Hiro et Shinobi voulurent dépenser un peu de leur fortune dans le bazar local. On trouvait parfois dans ces boutiques des objets de grande valeur perdus dans un amoncellement de babioles. Malheureusement pour eux, le bazar de Surat était fermé. En rejoignant Abhi et Karisma à la taverne, alors que Shinobi allait expliquer à leurs amis pourquoi ils rentraient bredouille, Hiro lui fit signe de ce taire. Sur la droite du Semi-esprit, un homme parlait au tavernier : « Oui, trois jours déjà, disait-il. Alors le type est revenu et m’a dit de fermer. Si je retrouve pas ce foutu papelard c’en est fini de mes affaires. Du coup mes gars sont partis. Ils ont préféré se faire payer par un autre. Tu savais, toi, que sans titre de propriété ton commerce appartenait à la ville ? - Non, tu me l’apprends, répondit le tavernier. Du coup je vais prendre des précautions pour le mien. Et alors, qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? - Ah ben il m’a dit que j’ai un an pour lui rapporter mon titre. Entre-temps j’ai pas le droit de rouvrir. Dans un an et un jour mon bazar sera à la ville, et j’ai pas le droit de revendre. - T’as pas de chance mon gars ! - Et c’est pas le pire. Si quelqu’un d’autre lui ramène avec sa signature, et ben mon commerce est à lui ! - A lui ? Au type de la ville ? - Bah non, à l’autre raclure qui m’aura piqué mon titre. - Et t’as une idée de qui ça peut être ? - J’ai ma p’tite idée, ouais. L’autre voyou d’Arka a osé demander la main ma p’tite Nita. Je l’ai envoyé traire sa mère. Je pense qu’il a pas aimé ». Une femme appela le tavernier qui repartit vers le bar, mettant fin à la conversation. Abhi demanda : « Alors, rien d’intéressant au bazar ? - Il était fermé, dit Shinobi. - Oui, une affaire de paperasse à ce qui semble, ajouta Hiro. - C’est dommage, dit le guerrier, on y trouve parfois quelque objet farfelu que l’on apprécie posséder. Buvons et repartons, j’ai hâte de vous faire visiter Guntur ». Ils remontèrent vers le Pee et Guntur, la ville natale d’Abhi. Sur cette large route, ils croisèrent à nouveau un éléphant dans un cortège, visiblement à l’occasion d’un mariage à en croire la musique et les chants qui l’accompagnaient. Quand il quitta la route principale en direction d’une grande ferme, les voyageurs se retrouvèrent au calme : « Ça me rappelle le mariage de mon frère, dit Abhi à ses compagnons. Il est arrivé à dos d’éléphant chez sa promise, dans un village non loin d’ici. Au moment de descendre, l’animal a prit peur. Mon frère est tombé et s’est cassé les deux jambes. Autant vous dire qu'il n’a pas profité de sa nuit de noces. - Une bien belle histoire, ironisa Karisma. - Navré, Princesse, je n’ai pas mieux pour le moment. Mais celle que nous sommes en train de vivre sera sûrement plus passionnante. - Très certainement, lança Shinobi depuis l’avant du groupe, et ça se pimente dès maintenant ». Il s’était arrêté et sa main avait rejoint la garde de sa choora. Devant eux, à une cinquantaine de mètres, quatre individus de forte carrure et armés semblaient les attendre de pied ferme. Hiro arma son arc, bien que les ennemis soient encore hors de portée. Amar regarda autour d’eux. Ils marchaient en plaine, il n’y avait pas le moindre endroit où fuir ou se mettre à couvert. Abhi avait effectué la même évaluation et la formula au groupe : « Si c’est nous qu’ils veulent, il va falloir en découdre. - Que les dieux nous viennent en aide, dit Amar, en effectuant une rapide incantation. Cela pourrait nous aider ». Au loin, visiblement impatients, les hommes s’avancèrent, armes en main. Sauf un, ce qui était mauvais signe. Il tenait un arc long. Il arma et tira. La flèche parcourut la distance qui les séparait à une vitesse impressionnante et dans un sifflement toucha Shinobi au flanc. Fou de rage, le guerrier Hengeyokaï chargea, suivi de peu par Abhi. De leur côté Hiro se rapprocha de Karisma et tenta d’atteindre les assaillants avec son arc court. Mais il manqua sa cible. Peu avant le choc entre les guerriers, Shinobi vit le temps s’arrêter, car la grossière erreur qu’il avait commise en se laissant emporter par la colère lui sauta aux yeux : les guerriers d’en face portaient des boucliers, sa charge était vaine. Mais le choc arrivait bel et bien. Dans un fracas, son attaque fut repoussée. Il manqua de peu s’effondrer au sol. Son adversaire frappa immédiatement de son arme courte. Shinobi esquiva de justesse. Abhi encaissa lui aussi le choc contre le bouclier adverse mais ne put éviter la chute. Il échappa à la mort en roulant sur la côté avant que la lame de son adversaire ne se plante au sol à l’emplacement de sa chute. En se relevant, il frappa à l’aveugle et entailla le mollet du guerrier. Le troisième assaillant arriva et prit Shinobi pour cible. Face à deux adversaires, le Hengeyokaï était en très mauvaise posture. Abhi, qui avait vu son ami en danger, ne pouvait intervenir. Il réussit à provoquer une ouverture chez son adversaire et parvint à le toucher à l’abdomen. Mais l’armure du guerrier le protégea. Abhi se re-concentra, il devait le pousser à la faute. Son arme étant plus longue, il avait une chance de l’atteindre. Il feinta une attaque de haut, et changea immédiatement son mouvement lorsque l’homme monta sa garde. Il frappa alors de taille et l’éventra. Abhi se tourna rapidement vers son ami, mais une flèche lui transperça la cuisse droite, le clouant littéralement sur place. Shinobi fut touché une fois de plus au flanc, puis à l’épaule par le second guerrier qui s’était placé derrière lui. Ainsi pris en tenaille il ne pouvait espérer remporter le combat. Amar s’était approché mais il partait pour s’attaquer à l’archer ennemi. Voyant Shinobi en mauvaise posture, il s’arrêta pour lui venir en aide. Mais il était déjà trop tard. Une lame ennemie entailla le bras armé de son ami et l’autre le transperça de part en part. Le moine hurla et pointa son index vers le meurtrier de Shinobi. Il prononça un mot dans une langue étrange et un éclair jaillit aussitôt de son doigt. Le guerrier fut touché par la décharge électrique et trembla sous le choc. Une flèche tirée par Hiro lui sortit par le front, finissant de venger Shinobi. Bâton en main, Amar faisait maintenant face à un guerrier. Hiro arrivait déjà en courant. Il avait lâché son arc et tenait fermement sa choora. Au loin, l’archer ennemi hésita de peur de toucher son compagnon. Ce dernier se retrouvait maintenant à un contre deux. Le moine feinta une attaque sur la droite, esquiva le coup d’épée du guerrier et abattit son bâton de toute ses forces sur son épaule gauche. Dans un craquement, poussant un cri de douleur, le guerrier lâcha son bouclier. Hiro arriva au niveau du combat et se mit en garde. Son bras gauche pendant comiquement, le guerrier ne semblait pas plus perturbé par la situation. Il fut même le premier à attaquer. Provoquant le déplacement des deux semi-esprits, qui se retrouvèrent maintenant côte à côte face à lui. L’archer dans leur dos avait de fait le champ libre et décocha une nouvelle flèche, qui toucha Hiro à l’épaule. Le guerrier en profita pour frapper le voleur, mais son coup fut stoppé net par la lame d’Abhi qui s’était fait oublier. Amar frappa à son tour et l’homme s’écroula, le crâne fracassé. Hiro s’était retourné et immobilisé. Il ne pouvait croire ce qu’il voyait : la princesse à genoux sur le corps de l’archer, un khanjarli ensanglanté à la main. Amar tenait le corps de Shinobi. Il examina attentivement ses blessures : « Il vit encore ! s’exclama t’il. Mais il sombre peu à peu dans la mort. Je vais tenter de le stabiliser ». Il posa les mains sur le cœur de son ami mourant. Après une brève incantation silencieuse, il le sentit battre un peu plus. Il fouilla ensuite dans sa sacoche et en sortit une petite fiole dont il versa le contenu sur la plus grosse plaie du Hengeyokaï, arrêtant ainsi l’hémorragie. Mais le grand guerrier respirait toujours très faiblement et n’avait pas repris conscience. Le moine tenta de faire boire une seconde fiole à son ami, mais son corps trop faible refusa. Amar la tendit alors à Abhi : « Tiens, lui dit il. Soignons nos blessures et partons d’ici. Sommes-nous encore loin de Guntur ? - Non, deux heures tout au plus. Mais il lui faudra une civière. Je vais voir aux alentours si je trouve de quoi en faire une. - J’ai récupéré les armes et la bourse de l’archer, dit Hiro en revenant vers ses amis avec la Princesse. Je vais aussi fouiller les autres bandits en attendant. - Bien, je veille sur Shinobi mais faites vite ! - Tu as essayé l’eau de Votale ? demanda Hiro. - Non mais c’est une bonne idée, dit Amar. - Je t’en apporte dès que je met la main sur ces ânes ». Karisma s’approcha d’Amar, son khanjarli ensanglanté toujours en main : « Je suis désolée pour votre ami. - Il s’en remettra, dit Amar essayant de se convaincre lui même. Ces brigands l’ont bien payé. - Ce ne sont pas de simples brigands. Regardez leurs armes, leurs armures. Ils font partie d’une armée régulière de la Confrérie. Quelqu’un les a envoyés pour moi. Il ne faut plus perdre de temps, nous devons arriver à Sotender au plus vite ! - Nous y arriverons, princesse, tous ensemble. Shinobi n’est pas mort et je refuse de l’abandonner. Il sera soigné à Guntur, et demain, vous arriverez à Sotender. - Je l’espère. Je vais aider votre ami avec les ânes ». Abhi revint les bras chargés des vielles branches. Il les posa près des corps et se servit des vêtements des morts pour confectionner la civière. Hiro apporta de l’eau de Votale à Amar qui l’utilisa pour nettoyer les blessures de Shinobi. Après avoir attelé la civière, Amar et Abhi y chargèrent Shinobi. Hiro avait récupéré les armes et les bourses des soldats. En jetant un œil à Karisma qui faisait les cent pas, Abhi demanda : « Si comme elle le pense ces soldats la recherchaient, on peut s’attendre à en voir d’autres. Allons-nous toujours à Guntur ? - Tu as une autre idée ? demanda le moine. - Il y a beaucoup de villages aux alentours. - C’est vrai, mais on doit trouver un temple pour soigner Shinobi. - Et nous avons beaucoup de choses à vendre, intervint Hiro. - Et il se peut que d’autres soldats surveillent les villages. En ville, nous pourrions nous fondre dans la foule, poursuivit Amar. - Ça peut marcher. Mais je propose alors que l’on entre en deux groupes. Amar, tu iras avec la princesse et Shinobi directement au temple. Hiro et moi iront au quartier des arènes pour vendre nos trouvailles. Nous prendrons ensuite une chambre dans une auberge et l’un de nous vous retrouvera au temple ». Les semi-esprits acquiescèrent. Amar et son groupe se mirent donc en marche. Abhi et Hiro les gardaient à l’oeil, de loin. Ils atteignirent la grande cité de Guntur près de deux heures avant le coucher du soleil. Guntur était une ville ouverte, dénuée de fortifications. Seul le quartier riche regroupant les manoirs des familles nobles était protégé par une barrière gardée. Karisma connaissait certainement plus d’une famille dans la ville et aurait pu se faire loger à hauteur de sa condition, mais ses gardes du corps refusaient de prendre un tel risque. En effet, il était préférable de ne faire confiance à personne tant que l’identité du commanditaire des assassins n’était pas découverte, chose à laquelle la princesse comptait bien remédier lors du Conseil. Comme prévu, les deux groupes entrèrent séparément en ville et se dispersèrent. Amar et Karisma longèrent le quartier riche pour conduire Shinobi en urgence au temple de Tsahami, le seul présent en ville. Les prêtres examinèrent le blessé et purent rassurer Amar, le Hengeyokaï serait sur pied le lendemain, à condition de payer pour les soins. De leur côté, Abhi et Hiro bifurquèrent vers le quartier des arènes. C’était le quartier le plus populaire mais aussi celui qui faisait la renommée de la ville. On y croisait les traditionnels mendiants et voleurs, mais aussi une quantité étonnante de guerriers et mercenaires venus de tous horizons participer aux tournois des arènes, au milieu de chariots débordants de marchandises et d’animaux sauvages en cage. Pressés, les deux compagnons se débarrassèrent de leur stock d’armes sans trop marchander, et Hiro en profita pour s’acheter un khandar, une grande épée dont était friands les devapalas et dont il avait appris le maniement auprès de son maître. Abhi les conduisit ensuite dans la meilleure des deux auberges de la ville. C’était un établissement ancien et très bien entretenu, fréquenté par des habitués et des combattants de passage. Abhi connaissait bien l’endroit et demanda une chambre donnant sur l’extérieur de la ville, au cas où ils devraient prendre la fuite pendant la nuit. Il examina la chambre et, satisfait, proposa à Hiro de commencer à diner le temps qu’il aille chercher les autres membres du groupe au temple. Hiro resta donc seul, attablé dans la grande salle de l’auberge, à dévisager chaque homme présent, cherchant le moindre détail qui pourrait trahir un éventuel assassin envoyé à leur poursuite. Il détesta rester là à attendre. Même si la ville était grande, il aurait préféré errer dans les rues jusqu’à trouver le temple, cela lui aurait au moins permis de subtiliser quelques bourses. Il avait pratiquement fini son ragout quand Abhi fit son retour dans l’auberge. Il n’était accompagné que de Karisma : « Amar a préféré rester veiller sur Shinobi, au cas où quelqu’un se rendrait au temple pour finir le travail. - Qu’est-ce qui vous a prit tout ce temps ? Ne me dit pas que vous vous êtes perdus, ironisa Hiro. - Biensûr que non ! Mais deux types semblaient nous suivre, alors je nous ai fait tourner un peu pour voir s’ils nous filaient bel et bien. Heureusement, c’était une fausse alerte. - Je n’ai rien vu de suspect ici non plus. Vous pouvez manger l’esprit tranquille ». Dans la chambre, Abhi disposa un lit en travers de la porte afin d’empêcher un éventuel intrus d’y pénétrer, puis il s’installa à la fenêtre. Il proposa à Hiro de prendre le premier tour de garde. Le voleur acquiesça d’un ronflement. Aux premiers rayons du soleil, Hiro réveilla le guerrier et la princesse et ils quittèrent l’auberge sans manger. Dehors la ville grouillait déjà d’activité. Ils restèrent sur leurs gardes en la traversant jusqu’au temple, car même si la nuit avait été calme, rien n’empêchait un malheur d’arriver à l’aube. C’était d’ailleurs la période idéalement choisie par les bandits et assassins pour leurs attaques surprises. Les prêtres réveillèrent Amar et Shinobi, qui avait repris des couleurs, à l’arrivée de leurs compagnons. Le Hengeyokaï tenait debout, ce qui était inespéré la veille, mais on pouvait voir sur son visage qu’il était encore faible. Il remercia vivement ses compagnons de ne pas l’avoir abandonné malgré leur mission première, ce qui força Karisma à se faire toute petite un instant. Puis Shinobi se tourna vers Hiro et tendit la main, afin de récupérer son arme : « Tu ne comptais tout de même pas la garder ? » lui demanda t’il avec le sourire. Et c’est à nouveau en deux groupes, mais toujours au complet, qu’ils commencèrent leur dernier jour de voyage jusqu’à Sotender. Au milieu des grandes plaines de Dorma se tenait une colline aux pentes douces qui à cette époque de l’année était parsemée de fleurs multicolores, embaumant l’air d’un parfum des plus agréable. A son sommet trônait l’actuelle capitale de la Confrérie de Sardesh : Sotender. C’était la cité sainte historique, avant la découverte de La Fosse et la construction des villes-temples. Il n’y avait d’ailleurs qu’à Sotender que l’on pouvait trouver un temple pour chacun des douze dieux du poojar, les majeurs comme les mineurs mais surtout le seul et unique temple de Khalinga encore intact. Ce dernier était fermé toute l’année, sauf le jour de la grande Fête des Cieux, durant laquelle la porte était ouverte afin d’illuminer la statue de la déesse. Deux compagnies de soldats empêchaient néanmoins quiconque d’entrer, le culte de la déesse bannie étant toujours interdit. La route qui montait la colline était une des plus fréquentées de la Confrérie, d’autant plus en ce jour car le Conseil se réunissait. Tous les artisans et marchands montaient donc au sommet de la colline pour avoir une chance de faire connaitre leurs productions aux grands de ce monde. Constamment entourés d’une masse de peuple, l’escorte de la princesse Karisma arriva aux portes de la ville sans être inquiétée. Une foule compacte attendait là, devant l’unique porte de la ville l’autorisation d’entrer. Karisma ôta alors son déguisement et demanda à Shinobi, car il était le plus grand, de porter haut la bannière de Daarjing, le grand aigle d’or aux ailes déployées sur fond rouge, qu’elle sortit de son paquetage. Aussitôt les gardes de la porte crièrent : « Place à la princesse Karisma, fille de Frère Aman de Daarjing, que sa vie soit honorable ! » et la foule s’écarta sur son chemin. A la porte un homme en livrée rouge et or salua la princesse et fit signe à une petite troupe de soldats en habits d’apparat aux couleurs de Daarjing qui attendaient à l’intérieur, aux côtés des autres escortes officielles des dirigeants de la Confrérie. Karisma dit alors à Shinobi : « Merci d’avoir assuré ma protection jusque là. Je considère cette mission accomplie. Dinabandhu, ici présent va se charger de votre récompense. Mais je pense avoir encore besoin de vos services. Si vous l’acceptez, la ville étant fermée durant les trois prochains jours, je vous demanderai de vous rendre à Cutak, la petite ville à flanc de colline et d’y attendre la fin du Conseil. Je vous enverrai un messager pour me rejoindre ici, si nécessaire. Profitez de ces trois jours pour vous remettre pleinement des vos blessures ». Sur ce, elle disparu au milieu de ses gardes sans prendre le temps d’attendre une réponse du guerrier. Dinabandhu, l’homme en livrée rouge et or, tendit alors à Shinobi une lourde bourse et lui dit : « Daarjing vous est redevable. Honneur vous y sera toujours rendu, à vous et vos compagnons. Dans trois jours je me rendrai à l’auberge de Cutak, j’espère bien vous y retrouver. Que les dieux vous protègent ». De retour auprès de ses compagnons, Shinobi leur montra la bourse et leur transmit la requête de Karisma : « Peut-être allons nous passer encore un peu de temps ensemble, finalement. - Il semblerait, en effet, dit Abhi. - Enfin, ça dépend. Y’a quoi dans la bourse ? » demanda Hiro. Karisma avait peur d’être arrivée la dernière, mais deux escortes attendaient encore derrière la porte. Il y avait les hommes vêtus de pourpre des montagnes de Maalhadiya, ainsi que les gardes blancs de Naarjing, reconnaissables à leurs armes protégées par des fourreaux en bambou laqué et au soleil rouge qui ornait le front de leurs casques et leurs boucliers. La large route qui partait de la porte se rétrécit rapidement et la princesse et son escorte se retrouvèrent à zigzaguer dans les vielles ruelles de Sotender décorées pour l’occasion de fleurs et fanions de toutes les couleurs. Ils atteignirent enfin le palais, situé sur une proéminence rocheuse à une extrémité de la ville. Là flottaient les étendards des huit provinces de la Confrérie de Sardesh. Celui de Daarjing était en train d’être hisser en haut de son mât, alors que deux attendaient encore à mi-hauteur : Les montagnes blanches sur fond pourpre de Maalhadiya et le soleil rouge sur fond blanc de Naarjing. Frère Ramsaab, actuel chef du Conseil accueillit Karisma aux portes du palais, dans une tunique de cérémonie verte décorée de broderies en argent représentant des éléphants, l’emblème de Dorma : « Bienvenue à ton Conseil, Karisma, lui dit-il. - Mon Conseil ? Celui de mon jugement ? - Non. C’est pour te célébrer que nous sommes réunis. Ah, dire que tu étais encore une enfant la dernière fois que je t’ai vue, continua Ramsaab en la prenant par les épaules. Dans trois jours tu seras Sœur Karisma de Daarjing. J’espère que ton père t’a bien préparé à ta charge. - Il a fait de son mieux. Si je suis mauvaise, il ne faudra pas le blâmer. J’ai parfois été si dure avec lui, que les dieux me pardonnent. - Comme tous les enfants avec leurs parents. - Mais j’ai fait de terribles erreurs, sanglota t’elle. - Allons, ce n’est pas le moment de pleurer, va donc t’installer au palais et te préparer pour ce soir. Comme je te l’ai dit, c’est Ton Conseil, tu ne dois pas le rater ». Il la salua respectueusement et fit signe à son escorte d’entrer. Pendant ce temps, l’étendard de Naarjing remontait lui aussi le long de son mât. La salle du trône du palais de Sotender, dont les hautes colonnes de grès étaient sculptées à la forme des douze divinités du Poojar, servait à l’occasion de salle du Conseil. Une table imposante y avait été dressée, autour de laquelle siégeaient les huit Frères et Sœurs, dirigeants des provinces de la Confrérie de Sardesh, chacun sur un siège aussi luxueux qu’un trône sculpté des emblèmes de leurs provinces et incrustés de pierres précieuses. Seul en bout de table siégeait Ramsaab : « Mes Frères et Sœurs, soyez les bienvenus à Sotender. Bien que notre frère Raj soit absent, je vous propose de commencer. Comme vous le savez, nous avons récemment appris la mort tragique de notre Frère Aman de Daarjing. Il avait su diriger sagement sa province durant de longues années et a pu maintenir la paix durement gagnée par son père avec les Terres Blanches des Hengeyokaïs. Aujourd’hui nous pleurons son départ pour une autre vie. Nous sommes donc réunis pour débattre des faits qui découlent de la disparition de notre bienaimé Frère. La Province de Daarjing a besoin d’un dirigeant. Aman avait un seul enfant : la princesse Karisma. Bien qu’il n’y ait d’autre prétendant au titre, nous devrons procéder au vote afin de faire de Karisma notre Sœur. « De plus, la mort de l’un de nos Frères nous oblige à élire parmi nous un nouveau chef du Conseil, comme le stipulent les Vertueux Textes. « Le troisième point que nous devrons aborder est bien plus délicat. Il s’est avéré que la mort de notre Frère ait été causée volontairement par un Hengeyokaï. A l’heure où nous parlons, rien ne nous permet de savoir si cet assassinat est le fait d’un petit groupe ou s’il a été commandité par une plus haute autorité au sein des Terres Blanches. De plus, la princesse Karisma m’a rapporté qu’elle avait été la cible d’attaques lors de son voyage jusqu’à nous. - L’affaire est grave, en effet, intervint Frère Meghnad de Peejing, le plus âgé de tous, aux cheveux grisonnants et au regard sévère. Seulement, nous ne pouvons parler d’une éventuelle entrée en guerre de la Confrérie pour le moment. Seule Daarjing semble visée, et il nous faudra plus de preuves. Dois-je également vous rappeler que nous avions prévu de nous rassembler ici même pour débattre de la trahison de Frère Aman ? Que le mariage de sa fille avec le seigneur de la Colonie, qui grandit chaque jour en puissance, était l’objet même de cette trahison ? De plus, Karisma n’est pas encore notre Sœur et ne pourra l’être qu’après le vote. Et pour voter, nous devons tous être présents. - Il est vrai que Frère Raj est toujours absent, mais cela fait déjà un jour que nous l’attendons. Et après le vote, dois-je vous rappeler qu’il y aura une cérémonie d’entrée ? Le temps presse. Ce que je propose, dit Ramsaab, c’est que nous procédions déjà au vote. Comme il ne peut y avoir d’égalité parfaite, la voix de Raj pourra s’ajouter par la suite sans perturber le résultat. Mais avant, laissons entrer Karisma afin qu’elle se présente à tous ». Les Frères et Sœurs acquiescèrent tour à tour. Ramsaab fit alors signe aux gardes d’ouvrir la grande porte de la salle du trône. Elle s’ouvrit sur une Karisma resplendissante dans un sari de soie rouge, décoré d’une multitude d’aigles en fil d’or. Sa chevelure noire était cachée sous un voile de satin doré. Lorsqu’elle avança jusque devant la grande table, le tintement de ses bracelets emplit la salle, et imposa le silence. Elle marchait droite et fière, comme une reine. Elle s’arrêta à quelques pas de la table, face à Ramsaab. Ce dernier lui fit signe de prendre la parole : « Mes Frères, mes Sœurs, dit-elle d’une voix assurée, je suis honorée d’être présentée à vous aujourd’hui. Mais comme vous le savez, c’est malheureusement à cause du départ de mon père, Aman, pour une autre vie, qu’elle lui soit honorable, que je peux me tenir devant vous. En tant que seule et unique descendante de votre Frère, je réclame donc le titre de Sœur Karisma de Daarjing. Je promets solennellement de protéger la Confrérie de ses ennemis, de l’extérieur comme de l’intérieur et de toujours agir pour son bien, quoi qu’il m’en coûte. Que les dieux me protègent dans ma tâche. « Je sais que par ma faute, certains d’entre vous ont pu douter de la loyauté de mon père envers la Confrérie. Il devait lui-même se présenter devant vous pour vous annoncer mon mariage avec Lord Jameston. Cela n’aurait été nulle traitrise, seulement un geste d’amour d’un père pour sa fille. Sachez donc aujourd’hui qu’il n’est plus question de mariage, et qu’il n’en a jamais été. Je n’ai jamais aimé Lord Jameston, je ne l’ai jamais rencontré. J’avais été la victime d’un ensorcellement, par un mage Korobokuru malheureusement décédé avant d’avoir pu révéler ses plans. C’est grâce à trois valeureux aventuriers au service de Daarjing que je puis me trouver maintenant face à vous. Je comprendrais que cette terrible faiblesse vous fasse douter de mes capacités à diriger Daarjing. « Je m’en remet maintenant à votre sagesse. - Nous t’avons entendue, Karisma, dit Ramsaab. Nous allons donc procéder au vote. Frère Vishnu, de La Fosse ? » Le grand prêtre se leva et dit d’une douce voix : « Karisma, je suis heureux de t’accueillir comme Sœur parmi nous ». Il se rassit et Ramsaab continua : « Frère Narayan, de Voojing ? - Bienvenue au Conseil, ma Sœur, dit un homme brun d’âge moyen, portant une courte barbe. - Sœur Miyako, de Naarjing ? » La femme qui se leva portait un kimono de soie blanche, orné de multiples soleils. Son visage était entièrement maquillé, presque peint, accentuant la forme en amandes de ses yeux, et ses cheveux noirs étaient retenus en chignon par des baguettes de bois d’où pendaient des perles multicolores : « Nous ne nous connaissons pas, dit-elle avec un fort accent du Naar, mais votre père était un très bon dirigeant pour sa province. Je ne doute pas que vous en fassiez autant. Je vous accueille donc également au Conseil. - Frère Meghnad, de Peejing ? - Et bien, vu que personne d’autre ne réclame le titre de votre père, je vous accueille également. - Sœur Rana, du Lac ? - Tu as toujours été une Sœur, pour moi, Karisma. La place est à toi ». Rana était la plus jeune autour de la table, avant Karisma. Cette petite femme brune et dynamique avait été une grande amie d’Aman. Karisma la considérait d’ailleurs comme sa tante. Dans son sari bleu aux reflets d’argent rappelant la couleur de ses yeux, on pouvait lire toute la tendresse qu’elle éprouvait pour la nouvelle venue. « Bien, dit Ramsaab, vous accueillant moi-même à bras ouverts au sein du Conseil, cela fait donc six voix en faveur de votre entrée. Quel que soit le vote de notre Frère Raj, je peux donc vous annoncer dès maintenant que vous êtes officiellement … ». La grande porte s’ouvrit dans un fracas, interrompant Ramsaab. Tous se tournèrent et virent l’impensable. Un colosse entra, armé d’un énorme gada de fer. Il avait le regard noir et haineux. Il portait une armure de kshatriya : une grande ceinture de fer noire tenant un pagne pourpre et de grandes bottes de cuir. Ses jambes et son torse étaient nus, laissant apparaitre sa musculature. Derrière lui, une petite armée de soldats en tabard pourpre entrèrent au petit trot. Aussitôt, les gardes des différents Frères et Sœur engagèrent le combat. Karisma, qui était la plus proche de la porte, restait immobile, terrifiée. L’homme marchait calmement vers elle, la fixant de son regard noir. Les gardes en sous nombre et en tenue d’apparat ne firent pas le poids face aux soldats pourpres. Quand le dernier garde mourut, les soldats formèrent un cercle autour de la table et fermèrent la grande porte. Le colosse était arrivé juste devant Karisma, sans jamais la quitter du regard. La princesse tremblait intérieurement, mais tentait tant bien que mal de ne rien laisser transparaitre. Le grand kshatriya la repoussa sur sa droite avec son gada, puis lui indiqua son siège de la main gauche. Karisma alla s’asseoir, aussi droite et fière que possible. Le colosse brisa alors le silence : « Et bien, mes chers Frères et Sœur, on ne m’attend pas ? » Raj fit ensuite le tour de la table, dévisageant chacun des seigneurs de la Confrérie. Arrivé à côté de Ramsaab, il dit : « Je vais prendre la suite, merci. - Raj, quelle est cette folie ? Il est hors de question que… - Vraiment ? l’interrompit Raj, comme tu voudras, mon Frère ». D’un violent coup de gada, Raj fit exploser le crâne de Ramsaab. Du sang gicla dans toutes les directions, maculant les beaux vêtements et les visages des Frères et Sœurs les plus proches. Le corps sans vie de Ramsaab s’étala sur le sol de façon ridicule. « Comme je disais, reprit Raj, c’est donc moi qui dirigerai ce conseil. Merci à tous et à toutes d’être là, cela me facilitera grandement la tâche. D’ailleurs nous n’avons pas eu l’honneur d’être présentés, dit-il à la dernière venue. Je devine que vous êtes Karisma. J’avoue être surpris de vous trouver ici avant moi. J’avais pourtant envoyé quelques hommes à votre rencontre. La route depuis Daarjing peut être pleine de dangers. - Alors c’était vous ! hurla Karisma. Ces assassins sur la route de Guntur. - Assassins ? Non, des guerriers, parmi mes meilleurs. Ils ne devaient en aucun cas vous tuer, seulement vous amener jusqu'à moi. Cela dit, ils ont eu du mal à vous trouver, sans escorte officielle. Vous avez presque réussi à passer inaperçue. Comment vous en êtes vous sortie ? - Je sais me protéger, dit-elle. Vous serez sans doute heureux d’apprendre que l’un d’eux est mort de ma main, et elle a encore soif de vengeance.» Raj esquissa un léger sourire, amusé. « La mort de mon père, c’était vous aussi ? continua Karisma. Et le magicien Korobokuru ? - Ma chère amie, je comprends votre peine, mais il ne vous servira à rien de me blâmer pour tous vos malheurs. Sachez toutefois que les « Koros » me répugnent. Et dire qu’ils vivent aux frontières de mes montagnes. Ou devrais-je dire nos montagnes. - Qu’es-tu venu faire ici, Raj ? Pourquoi ces soldats ? demanda Sœur Rana, sa fureur la faisant ressembler au torrent du Haut Ishk après la fonte des neiges de Madan. - Ma Sœur, je suis venu moi aussi vous faire prendre part à un vote. Je réclame auprès de vous le titre qui me revient de droit, le titre suprême. - Tu n’oserais pas ! s’exclama Vishnu. Nos ancêtres à tous ont créé la Confrérie pour la paix ! - Si, j’ose ! Ce soir, vous ferez de moi le nouveau Maharaja ! » *** Abhi regardait par la fenêtre. Elle donnait sur une petite cour qu’Amar était en train de traverser dans la nuit. Comme à son habitude, le guerrier ne pouvait dormir sans passer un temps à monter la garde. A côté de lui, allongés sur leurs lits, Hiro et Shinobi ronflaient. Le guerrier Hengeyokaï avait la main droite fermée sur la garde de sa choora, alors que Hiro serrait amoureusement la bourse remplie d’or. Cette nuit semblait calme, comme la précédente dans la petite ville de Cutak. Par la fenêtre Abhi pouvait apercevoir la colline où trônait Sotender. La ville dormait, éteinte sous le ciel étoilé. Abhi jeta un regard à ses compagnons, puis observa les constellations, afin de déterminer combien de temps il avait passé à veiller. La fatigue commençait à se faire sentir et il avait bien envie de réveiller un des dormeurs pour prendre sa place à la fenêtre. C’est alors qu’il aperçût une première lumière sur la colline. Il détourna alors les yeux des étoiles et attrapa machinalement ses armes. Une autre lumière apparût. Cette fois pas de doute, c’était un feu. Le guerrier se détourna alors de la fenêtre pour réveiller ses compagnons. Mais en se retournant, quelque-chose l’interpella : la porte de la chambre était ouverte. Il tenta de dégainer son arme, mais un bras puissant le retint. Une main se plaqua sur sa bouche, l’empêchant de sonner l’alerte. N’ayant d’autre solution, il donna un grand coup de pied dans le corps endormi de Hiro, le plus proche de lui. Le voleur sursauta, mais ne lâcha pas la bourse. Il mit un petit temps à comprendre ce qu’il se passait autour de lui, alors qu’une deuxième silhouette noire franchit la porte pour entrer dans la chambre. Ses esprits retrouvés, Hiro lui lança la bourse d’or au visage et cria pour réveiller Shinobi. Abhi luttait toujours, mais l’homme dans son dos savait assurer une prise solide. De sa main gauche, la seule encore libre, le guerrier tentait d’atteindre le visage de l’assassin, sans succès. Shinobi tira son épée dès qu’il eut ouvert les yeux et d’un coup de pied fit basculer le second intrus, déjà déséquilibré par l’attaque surprise de Hiro. Mais contre toute attente, l’homme de s’étala pas sur le sol, il effectua une roulade en arrière et se releva, armes en main. Shinobi, maintenant debout face à lui, prit le temps de l’étudier. L’assassin était vêtu tout de noir, il portait un masque de tissu noir et des lanières maintenaient son vêtement près du corps au niveau de son torse, de sa taille et le long de ses membres. Ils portaient les mêmes épées courtes à manche laqué que les guerriers de la route de Guntur. Hiro tourna le dos à ce combat pour venir en aide à Abhi. Il attrapa sa choora, posée sur son lit, plus pratique dans ces petits espaces que le grand khandar. L’assassin lâcha alors la bouche de Abhi et le repoussa violement sur le côté. Le guerrier traversa la fenêtre et alla s’écraser sur les pavés de la cour de l’auberge. Hiro frappa d’estoc sans hésiter mais l’assassin esquiva sans difficulté, et avec une extrême rapidité il frappa à son tour. Hiro dévia la lame de justesse et envoya son poing dans le nez de l’assassin. Cette fois, il ne put esquiver mais se rétablit néanmoins très vite et engagea à nouveau le combat. La lame de sa dague blessa le voleur au côté qui tomba sur le lit en reculant. Hiro souffrait, mais il devait garder l’esprit clair. Il se laissa rouler jusque de l’autre côté du lit. L’assassin, maintenant hors de portée, attendit que Hiro agisse à nouveau. De son côté, Shinobi avait déjà échangé quelques coups avec son adversaire. Ce dernier boitait, une trainée de sang s’écoulant de sa cuisse droite. Voyant que son ami maitrisait la situation, Hiro entreprît de basculer le lit pour se protéger. C’est alors qu’Amar entra dans la chambre. Sans arme, il sauta dans le dos du premier assassin et tenta de l’étrangler. Son intervention permit à Shinobi d’éventrer l’homme en noir. Malheureusement, le second assassin avait suivi l’action et enfonça son poignard entre les côtes du guerrier. Shinobi poussa un hurlement étouffé. Hiro poussa alors le lit, maintenant sur la tranche, et s’en servit pour coincer l’assassin contre le mur opposé de la chambre. Amar en profita pour se pencher sur Shinobi, le guerrier lui sourit et lui fit signe qu’il s’en sortirait. Le moine récupéra alors son arme qu’il appuyée contre le mur avant de sortir. L’assassin, vif comme l’éclair, s’extirpa d’un bond hors de son piège, s’accrocha aux poutres du plafond et sauta par-dessus ses cibles en direction de la porte. Mais c’était sans compter sur l’allonge du bâton du moine, qui l’assomma dès qu’il toucha le sol. Hiro, fou de rage, lui sauta sur le dos et l’acheva de sa lame. Amar cria : « Non ! Il nous le fallait vivant ! » Hiro se releva lentement, tira sa choora hors du corps sans vie de l’assassin et appuya d’une main sa blessure : « Tu as raison, désolé, dit-il. Je n’ai pas réfléchit. - Merci d’être passé, ironisa Shinobi. D’ailleurs où étais-tu ? - Dehors, répondit Amar, ne souhaitant visiblement pas en dire plus. - Dehors ? A cette heure de la nuit ? insista Hiro. - J’avais besoin…de sortir. Aux latrines, finit-il par lâcher ». Shinobi changea de sujet : « Il y en a peut-être d’autres, allons chercher Abhi et partons. - Non, dit Amar en baissant le regard. Je traversais la cour quand Abhi est tombé. Il est mort ». *** L’odeur de la mort commençait déjà à remplir la salle. Les soldats de Raj n’avaient pas pris la peine de sortir les corps de leurs victimes, laissant leurs entrailles et leurs fluides se répandre sur les dalles. Après avoir assassiné Ramsaab, Raj s’était fait apporté le festin destiné à tous les Frères et Sœurs par des serviteurs terrorisés. Bien entendu, il avait été le seul à manger pendant qu’il discourait sur le pourquoi il devait, lui, aujourd’hui, être nommé Maharaja. Ce titre n’avait été porté que par un seul homme dans l’histoire de Panta : Guangar Sardesh Singh, qui avait scellé un pacte avec Khalinga et créé son empire auquel il avait donné son nom : Sardesh, et qu’il plongea dans une guerre sanglante. La Confrérie est née de l’éclatement de cet empire à la mort du Maharaja. Le territoire fut séparé en neuf royaumes dont les rois, les fils de Guangar Sardesh Singh, jurèrent de s’unir pour la paix. Seul l’un d’eux refusa et créa la Terre Libre, petit royaume qui s’étend maintenant entres les Terres Blanches et les provinces de Peejing et Voojing. Dans son monologue, Raj disait être le seul vrai héritier de Guangar Sardesh Singh, car il serait le seul dont la lignée ne fut jamais brisée, remettant ainsi en cause l’hérédité de tous les hommes et femmes autour de la table. Seul Aman était issu d'une lignée aussi pure que la sienne, et c'est pour cette raison qu'il souhaitait maintenant épouser sa fille, afin que sa descendance soit plus pure encore. Aucun n’osa prétendre le contraire, la vision du meurtre de leur frère hantant encore leurs mémoires. Karisma esquissa néanmoins une grimace de dégoût à la mention de son mariage avec ce monstre. Quand il eut finit, Raj se leva, s’appuyant au manche de son arme dont l’imposante sphère de fer était posée au sol : « Bien, commença t’il, comme l’a si bien dit notre Frère ici présent (il désigna le cadavre de Ramsaab), il est plus que temps de procéder au vote, c’est bien pour ça que nous sommes là, non ? »

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