Chapitre 7 - PROPHETIES

7 PROPHETIES

La nuit n’était pas encore tombée, et pourtant le messager courrait dans l’obscurité. Dans sa main, la missive traversait les rideaux de fumée noire qui envahissaient les rues de la ville dévastée, en provenance des innombrables bûchers et des bâtiments qui se consumaient encore. Depuis les combats, la population avait fui ou s’était réfugiée dans les temples. Le messager ne croisait que des patrouilles de soldats en pourpre, à la recherche de butin au milieu décombres. Tout comme la Confrérie frappée en plein cœur, Sotender sa capitale n’était plus. Mais celui qui en occupait maintenant le trône n’avait pas atteint son but. Il n’avait qu’un seul allié et la fuite de la moitié des Frères et Sœurs l’obligeait maintenant à gagner une guerre civile, plus qu’à mater une rébellion. Le porteur de nouvelles sortit des ruines et monta quatre à quatre les marches qui menaient au palais. Devant les grandes portes, les huit mâts ne portaient plus que les étendards pourpres de Maalhadiya. Les gardes en faction lui barrèrent la route, mais le messager brandit un sceau et les portes lui furent ouvertes. La salle du trône, que l’odeur de la mort n’avait pas encore quittée, baignait dans la lumière chaude et dorée des torches et chandeliers. Parfois, un rayon de soleil solitaire réussissait à percer le dôme de poussière qui recouvrait la colline et, traversant une fenêtre, venait éclairer la table du dernier conseil. Celle-ci était maintenant recouverte d’une grande carte de la Confrérie et des territoires environnants, sur laquelle étaient disposées une multitude de figurines de bois peintes aux couleurs des provinces, témoins de l’emplacement des armées. Le Maharaja autoproclamé était bel et bien en campagne. Sa gigantesque silhouette se découpait devant son trône, le dos courbé, appuyé des deux mains sur la table, le regard perdu dans quelque réflexion stratégique. Il ne remarqua pas le messager entrer. Ce dernier s’arrêta à l’autre bout de la table et attendit d’être interrogé. Comme Raj semblait l’ignorer il décida de s’annoncer. Il hésita quelque peu, ne sachant comment s’adresser à un Maharaja. Il finit par se décider et alla au plus simple : « Mon Seigneur, dit-il doucement, afin de ne pas trop perturber le silence. - Qu’y a-t’il ? demanda Raj en relevant légèrement la tête. - Un message du Capitaine Khan ». Raj se redressa de toute sa hauteur et fit signe au jeune messager de s’approcher. Quand il fut assez prêt, il lui prit le rouleau de parchemin des mains et le jeune homme recula aussitôt, impressionné par la carrure du colosse. Le Maharaja lut la missive et eut un sourire satisfait. Il se pencha à nouveau sur la table et y déplaça quelques figurines pourpres, puis d’un geste de la main appela un scribe. L’homme accourut, sorti de nulle part, avec un petit bureau de bois. Il s’assit à quelques pas de son Seigneur et prépara sa plume pour transcrire le message qui lui serait dicté. « Au Capitaine Khan, commença Raj, et le scribe se mit à écrire. Qu’il commence le siège de la ville dès que possible, mais qu’il ne lance pas d’assaut. Je veux écraser moi-même cette insupportable Rana ! Et j’espère par la même occasion mettre la main sur la fille d’Aman. » Le scribe plia instantanément le parchemin et y déposa le sceau de Raj, puis le tendit au Maharaja. Le colosse s’en saisit et le remit à son tour au messager, qui le rangea dans sa sacoche de cuir et resta là immobile. Raj le fixa alors de son regard sombre et lui dit froidement : « Je n’ai rien à t’offrir, remet ce message au Capitaine Khan sans tarder ou il devra apprendre à se passer de tes services ! » Tout à coup livide et tremblant comme une feuille, le jeune homme s’inclina sans un mot et ressortit aussi vite que possible du palais, laissant planer derrière lui l’odeur de la peur. *** Shinobi tira les armes et vint se placer instinctivement devant le groupe. Le vieil homme qui leur était apparu entre eux et la pierre eut un petit sursaut, puis leva légèrement les bras afin de mettre ses mains en évidence : « Je ne vous veux aucun mal, mes amis. Suivez-moi, dit-il avant de faire volte-face et de contourner le piédestal. - Pourquoi a-t’il dit exactement ce à quoi je m’attendais ? se demanda tout haut le guerrier en rengainant sa choora. » Sans un mot, les aventuriers emboitèrent le pas au vieil homme. C’était un homme très âgé, mais il était impossible de déterminer son âge. Il arborait une longue barbe grise, très fournie et portait une robe et un turban de soie dorée ornés des symboles sacrés des douze divinités du Poojar. Les mêmes symboles étaient peints en haut des murs de la pièce, formant un cercle qui marquait la base d’un dôme doré découpé dans le plafond. Sous le dôme, la pierre ovoïde sur le piédestal apparaissait dans toute sa splendeur. Elle n’était pas ambrée comme l’avait cru Amar, mais en réalité nacrée, et douze bandes dorées et cuivrées s’entrelaçaient sur toute sa surface. « Bienvenus au Temple des Prophéties, entonna le vieil homme. Je me nomme Swami Jagu, Grand Maître de l’Eau et Gardien de la Pierre Prophétique. - Alors c’est bien la Pierre Prophétique ? demanda Hiro, qui ne sut contenir plus longtemps son excitation. Nous l’avons trouvée ? - En effet, il s’agit bien de la Pierre. Votre quête est quasiment accomplie, mon ami. - Alors c’est bon, on a réussi ! On peut la prendre ? demanda le Naaresh. - Vous pouvez la prendre, mais elle ne vous servira à rien, répondit le gardien. Vous avez encore une épreuve à accomplir, afin de me prouver que vous êtes les envoyés des dieux que j’attendais. - Que l’on soit arrivés jusque là ne le prouve pas déjà ? intervint Jodha. Trouver ce temple aurait été impossible sans leur aide. - Très peu probable, j’en conviens, dit le gardien en se frottant la barbe, mais pas impossible. - Vous pardonnerez mon indiscrétion, Grand Maître Jagu, dit Amar, mais une chose m’intrigue. Pourquoi les dieux vous ont-ils choisi vous, un Swami, pour garder ce temple et nous faire passer une épreuve en leur nom. Pourquoi n’ont-ils pas donné cette tâche à un Brahmane à qui ils auraient déjà fait le don de la magie ? » Swami Jagu esquissa un sourire, puis baissa lentement les yeux, comme si la honte l’empêchait soudain de soutenir le regard du moine. Il dit alors sur un ton mélancolique : « Laissez-moi vous conter une histoire. Il y a fort longtemps, alors que les dieux vivaient encore sur ce monde, j’ai eu la chance d’apprendre auprès du Swami de mon village comment dompter les forces magiques de la nature. Mon amour pour l’eau me poussa à en apprendre toujours davantage sur cet élément fascinant. J’ai quitté mon village alors que je n’étais pas encore homme et j’ai parcouru le monde à la recherche de savoirs magiques. J’ai lu plus d’ouvrages que ne peut en contenir la plus grande des bibliothèques, et face à chaque maître que je rencontrais, je feignais l’ignorance afin qu’il me dévoile tous ses secrets. « Quand je suis retourné chez moi, j’étais devenu le Grand Maître de l’Eau. Mais mon cœur était faible, et j’ai rapidement compris que tout ce savoir me donnait un grand pouvoir, et ce pouvoir m’a corrompu. J’ai plié mon village à ma volonté et petit à petit, les villages voisins. Un Brahmane est venu me rencontrer, une fois, pour m’avertir que les dieux me puniraient. Mais trop orgueilleux alors, je lui ai répondu qu’ils avaient sans doute plus gros poisson à pêcher, car à cette époque Khalinga et son Maharaja semaient la terreur sur Panda. Et je n’avais pas tort, car ils me laissèrent faire ma loi pendant des décennies. Jusqu’au jour où il n’y eut plus de Maharaja. « C’est en pleine nuit qu’ils se manifestèrent. Ils m’annoncèrent tout d’abord leur départ vers les Royaumes Célestes, très formellement, puis m’énoncèrent tous les méfaits que j’avais commis par soif de pouvoir. Jamais je ne me suis senti aussi honteux et insignifiant. Et c’est là qu’ils me présentèrent le Khôli, le montre qu’ils laissèrent derrière eux pour contrôler l’usage que les hommes feraient de la magie. Avez-vous déjà entendu parler du Khôli, moine ? - Vaguement, dit Amar. - L’avez-vous vu ? demanda Hiro. On dit que personne ne l’a jamais vu, ou n’en est ressorti vivant. - Je ne sais pas, dit Jagu. Je ne sais pas si je l’ai vu ou si leur description était si réaliste, si vivante que mes entrailles s’en sont nouées. Je ne saurais vous dire à quoi il ressemble, mais il était beau et terrifiant à la fois, à l’image des dieux. Ils me proposèrent alors de choisir : soit je restais ici pour garder ce temple jusqu’à la venue des élus, soit je devenais la première victime du Khôli. Mon choix fut rapide. Cela répond-il à votre question ? - Ma curiosité est satisfaite, Grand Maître, je vous en remercie, dit Amar. » Soudain, le vieil homme cria : « Reposez cela ! - Mais, vous m’avez dit que je pouvais la prendre, protesta Hiro en ressortant la pierre de sous sa tunique. » Il la redéposa sur son piédestal alors que le gardien le foudroyait du regard, imité par Shinobi : « C’était ironique, bien entendu, dit-il. - Vous avez aussi dit qu’elle ne servait à rien ? interrogea Jodha. Pourquoi ? - Excellente question ! Voyez-vous, la pierre ne permet de contacter les dieux que si un certain rituel est accompli au cours duquel elle doit être enduite d’une huile spécifique. Ladite huile se trouve ici, dans le temple. Votre épreuve consiste à retrouver cette huile. Cela me prouvera que vous êtes bien les élus. - Tout ce temple pour une pierre et de l’huile, dit Shinobi perplexe. - Vous vous doutez bien, ami guerrier, que ce ne sera pas une promenade de santé. D’ailleurs, tenez, vous aurez besoin de ça, dit le gardien en tendant à Shinobi un petit tube de bambou creux. - Une paille ? C’est pour souffler sur les monstres ? » Le vieillard ne releva pas la question et se tourna vers Amar : « Hâtez-vous, mes amis. Si vous réussissez j’aurais enfin droit au repos. Mais n’oubliez pas d’être prudents. - Nous reviendrons chercher cette pierre, soyez-en sûr, Maître Jagu, dit le moine. » Sur ce, les aventuriers se retirèrent. Défiant Hiro du regard, le Swami mit ostensiblement la main sur la Pierre Prophétique jusqu’à ce que la lourde porte de pierre se soit refermée derrière eux. *** L’heure du dîner sonna. Karisma fit signe à la servante qui retouchait sa coiffure que cela lui convenait. Elle s’éloigna du grand miroir et quitta ses appartements. Un serviteur et deux gardes attendaient à l’extérieur et l’accompagnèrent jusqu’au grand balcon où Rana et quelques nobles de la ville, des chefs de clans ancestraux où des marchands anoblis, avaient l’habitude de prendre les repas en cette période de l’année. Quand l’entrée de la Princesse fut annoncée, la lumière commençait à décliner, mais l’air était encore doux et chargé du parfum des fleurs des champs alentour. On alluma de grandes lampes autour de la table, en prévision de la tombée de la nuit. Karisma prit place à côté de Rana, à une extrémité de la table et les plats furent servis. Rana demanda : « Comment te sens-tu depuis ce matin ? Je n’ai pas eu de temps à t’accorder, j’en suis désolée. J’ai informé tout le monde des derniers événements et j’ai dû prendre les mesures nécessaires pour lever des conscrits. L’armée de Raj est en mouvement. - Ca va, je te remercie. Je suis bien installée, ton palais est magnifique. Mais je n’ai pas pu me reposer. Ces images horribles sont encore trop présentes dans mon esprit. - Tu es en sécurité ici, ne t’inquiètes pas. - Je sais, dit Karisma. Même si être escortée par des gardes au sein même du palais n’est pas forcément rassurant. - Ils ne sont pas là pour te mettre mal à l’aise. S’ils te dérangent je peux leur demander d’être plus discrets. - Tu n’as pas d’autre tâche à leur confier, plutôt ? - Je tiens à toi et à ta sécurité, Karisma, dit sèchement Rana. Notre avenir en dépend. - Notre avenir ? De moi ? releva Karisma. Je ne comprends pas. - C’est à cause de la prophétie, dit un des nobles attablé près des deux femmes, le chef d’un clan très ancien de la province, les Oberoï. - La prophétie ? demanda froidement Karisma. - Dis-lui, Rana. Elle a le droit de savoir, dit l’homme sur un ton grave. - Très bien, soupira Rana. Il existe une très ancienne prophétie qui parle vraisemblablement des événements qui sont en train de se produire. Il en existe de nombreuses traductions car la langue dans laquelle fut écrit le texte original n’est plus parlée depuis des lustres. Mais elle semble dire ceci : « Quand la Contrée des Huit se divisera et que la noirceur du Sang se répandra, le Bienaimé de la Fille du Juste – ou l’Orpheline, suivant les versions – investi des pouvoirs du Divin, prendra la couronne du Monde. » Certains pensent que tu es au centre de cette prophétie. - L’Orpheline…La Fille du Juste, murmura Karisma. - Les termes ne sont pas très précis, dit le chef Oberoï entre deux bouchées. Il est regrettable, en de telles circonstances, de ne pas pouvoir se référer au texte original. - Pourquoi donc ? demanda Karsima. - Et bien, parce qu’il a malheureusement été détruit, dit Rana, lors des guerres du Maharaja. » Karisma resta plongée dans ses pensées durant le reste du repas, alors qu’autour d’elle les conversations s’enchaînaient. Soudain elle sorti de son mutisme : « Raj pense que je suis la Fille du Juste ! s’écria t’elle. Oui, c’est pour cela qu’il me cherchait. Et il a dit vouloir m’épouser. Il pense ainsi devenir le Bienaimé et régner sur le monde. - C’est ce que nous supposons, dit Rana. Aussi je pense que tu es au meilleur endroit possible ici, à Mohabat, pour trouver ton Bienaimé. - Tu crois vraiment que j’ai la tête à trouver l’amour en ce moment ? Et si je donne mon cœur à la mauvaise personne ? Paniqua Karisma. Par ma faute, un monstre tel que Raj pourrait prendre le trône. Je ne peux pas supporter une telle responsabilité ! - Rien ne dit que tu le devras, Karisma, la rassura Rana en lui prenant la main. Ce n’est qu’une vieille prophétie. Nous ne savons pas si elle parle bien de toi et tes amis sont en mission, je te le rappelle. S’ils réussissent, nous demanderons l’aide des dieux. Tout va s’arranger. - S’ils réussissent, nous ne gagnerons rien de mieux qu’une autre prophétie ! railla la Princesse. C’est plus que je ne peux en supporter pour ce soir. Excusez-moi, dit elle en se levant avant de quitter le balcon d’un pas pressé. - Elle a raison, Rana, dit Oberoï. Tu n’auras qu’une prophétie pour une autre. - C’est tout ce que nous pouvons espérer, malheureusement, soupira Rana. » *** Le corps de la créature tomba au sol, soulevant des gerbes d’eau dans un bruit qui résonna dans toute la pièce. Shinobi retira sa lame du cadavre de l’être mi Homme mi poisson, dont la queue était encore animée d’un frétillement alors que l’eau qui l’entourait prenait une teinte écarlate. Le guerrier dit : « Deux morts déjà, et nous n’avons ouvert qu’une porte. - Et cette pièce semble vide, renchérit Amar. Dehors la nuit va tomber, il ne faut pas nous attarder ici. Hiro, tu ne vois rien de spécial ? » Le Naaresh avait entrepris de faire le tour de la pièce à la recherche d’objets ou indices quelconques : « Non, rien de rien, dit-il, juste la porte d’où nous venons et celle-ci à l’autre bout. - Si, il y a un problème, dit Jodha. Regardez vos pieds ! » Tous l’écoutèrent et Amar s’écria : « L’eau monte ! » Ils s’élancèrent alors tous les quatre vers la sortie. Ils avaient maintenant de l’eau jusqu’aux genoux. La porte s’ouvrit comme les précédentes, en pivotant sur son axe vertical. Le niveau d’eau s’équilibra avec l’extérieur et se stabilisa à leurs chevilles. Ils se retrouvaient maintenant dans un petit couloir qui n’offrait qu’une issue sur leur droite. Ils s’y engagèrent et débouchèrent, à leur grand damne, dans le grand couloir principal, face à la salle du gardien. Alors que Shinobi commençait à pester, Amar dit : « Ce n’est rien, essayons une autre porte, tout en se dirigeant vers la porte suivante, un peu plus loin sur sa gauche. - Tu ne pourras pas l’ouvrir, lui dit Hiro. Regarde, il n’y a pas de levier. » En effet, cette porte présentait les mêmes renforts métalliques que les autres, mail l’alcôve contenant le levier, en son centre, était absente. Shinobi rejoignit le moine et lui tapa sur l’épaule : « De toute façon, dit-il, permets-moi de choisir la prochaine. En te suivant nous n’avons fait que perdre du temps et maintenant nous pataugeons encore plus. Laisse-moi te dire que nous ne partageons pas tous ton «affinité » avec l’eau. » Les portes suivantes se trouvaient à un croisement. La première, dissimulée au fond d’un petit couloir sombre inspira le guerrier. Malheureusement, elle s’ouvrait sur une pièce très mal éclairée et remplie de poissons frétillants : « La réserve de nourriture des Amphibes, conclut Amar en parlant des Hommes-poissons qu’ils avaient combattu plus tôt. Il y en aura d’autres. - Tant mieux, dit Shinobi, en repartant aussitôt vers le croisement. » Il ne croyait pas si bien dire, car de retour dans la zone éclairée, deux nouvelles créatures leur barraient la route. A leur expression agressive, il était clair qu’elles ne les laisseraient pas passer après un simple échange cordial. Shinobi marcha droit vers ses ennemis. Esquivant la première attaque, il laissa son assaillant passer derrière lui et en découdre avec ses amis avant de charger à son tour la deuxième créature, la lame tendue en avant. Surprise par cette attaque soudaine, l’amphibe ne sut réagir à temps et se retrouva empalée contre le mur du temple. Le guerrier récupéra son arme et sa victime retomba dans l’eau dans un grand bruit d’éclaboussure. Amar, Hiro et Jodha étaient eux-aussi venus à bout de leur adversaire sans grande difficulté, bien que Jodha ait récolté une griffure sans gravité sur l’avant-bras. Shinobi se trouvait juste devant une petite porte. Il tira sur le levier et la poussa, seul, afin de pénétrer dans la pièce suivante. Comme les autres, la porte fit un tonnerre de bruit en tournant sur son axe : « Doucement ! dit Hiro. - Inutile, opposa Jodha. Avec cette eau, rien que nos pas résonnent dans tout le temple. Ça ne sert à rien d’essayer d’être discrets, mieux vaut nous contenter de rester sur nos gardes. - Cette fois, j’ai trouvé quelque-chose, dit Shinobi depuis l’intérieur de la pièce. » Hiro entra, et la porte se referma derrière lui. Amar tira sur le levier et poussa à son tour la porte, mais elle refusa de tourner. A l’intérieur, face à Shinobi, un petit coffret de bois peint reposait sur un piédestal de pierre. Il l’ouvrit et entendit un bruit sourd derrière lui. Il se retourna et vit Hiro devant la porte fermée : « Pourquoi as-tu fermé ? - Je n’ai rien fait…attends, dit le Naaresh, paniqué, l’eau monte ! - Et très vite, constata Shinobi. Sortons d’ici, dit-il en s’emparant du coffret. » Hiro se retourna vers la porte et tira sur le levier. Il semblait bouger sans la moindre contrainte, et rien ne se passa. Le temps que Shinobi le rejoigne, ils avaient de l’eau jusqu’à la taille. « Ouvre ! cria le guerrier, qu’est-ce que tu attends ? - J’essaye, mais ça ne marche pas ! - Et celui-là, dit Shinobi et désignant un autre levier sur le mur à gauche de la porte, et déjà à moitié sous l’eau. » Hiro tira et ils poussèrent de toutes leurs forces sur la porte, car le niveau avait maintenant atteint leurs épaules. Ils se déversèrent alors sur leurs amis qui attendaient de l’autre côté. Quand le niveau se stabilisa à nouveau dans le couloir, ils se trouvaient tous les quatre à terre, à cracher de l’eau. Amar railla Shinobi : « Heureusement que c’est toi qui a choisi les dernières portes ! - Vous n’allez pas commencer ! Qu’est-ce que c’était ? demanda Jodha. - Un piège, répondit Hiro. Shinobi s’est précipité sur le coffre. - Bravo, continua la jeune femme, je vous rappelle que cet endroit est un test ! La prochaine fois, laissez faire les professionnels ! - Ah, Madame se croit meilleure que nous, peut-être ! - A ce que je vois, ce ne serait pas difficile ! - Et bien choisis donc la prochaine porte, lança Hiro. - Allez, ça suffit, dit Amar en rigolant. Vous n’allez quand-même pas vous battre ? - Si ça vous intéresse, dit Shinobi, qui n’avait pas pris part au débat, je pense avoir trouvé ce que nous cherchons. » Il avait ouvert le coffret et le tourna alors vers ses camarades. Ils y découvrirent quatre petites fioles de verres remplies d’un épais liquide bleu turquoise. Amar se releva et s’avança lentement vers ce trésor. Il s’empara délicatement de l’une des fioles et l’examina à la lumière des globes bleus : « Ca pourrait être ça, mais… dit le moine. - Si vite ? dit Hiro, ne cachant pas sa surprise. - Voyons voir. » Amar ouvrit la fiole et huma son contenu. Elle dégageait une forte odeur d’iode. « Shinobi, mon ami, dit le moine, mes félicitations ! Tu as trouvé vos tickets de retour. Ce sont des potions de respiration aquatique ! » Shinobi, visiblement très déçu, rangea les trois fioles restantes dans ses affaires et jeta le coffre à l’eau, sous le regard de Hiro : « Non, on ne le garde pas, lança t’il au Naaresh. » Après deux coudes sur la gauche, ils se retrouvèrent de nouveau face à une grande porte pivotante, bardée de métal. D’un geste de la main, Hiro invita Jodha à passe devant, sous le regard amusé d’Amar. La jeune femme examina la porte pendant de longues minutes avant de décréter qu’elle ne présentait aucun piège. Elle actionna alors le levier et Shinobi vint l’aider à pousser. Dès que la porte commença à tourner, une vague d’eau s’abattit sur eux. Le grand guerrier s’en écarta alors brusquement en pestant dans une langue que lui seul maîtrisait. « Tout va bien, Shinobi ? lui demanda Amar. - De l’eau ! Encore de l’eau, toujours de l’eau ! répondit le guerrier. C’est un miracle si ma lame ne rouille pas avant qu’on ne soit sorti de ce maudit temple ! - Peut-être aurais-tu préféré du sable ? demanda ironiquement le moine. - Je n’aime pas l’eau, c’est tout. Par miracle, ton maître magicien ne t’aurait-il pas appris un sort pour nous sécher ? - C’est Shugenja, rectifia Amar. Et non, je suis désolé, je n’en connais pas. De toute façon, ça n’aurait servi à rien maintenant. L’eau semble être le principal danger de cet endroit. Regardez, dit-il à l’attention de tous, le niveau a encore augmenté. » Constant qu’il avait effectivement de l’eau jusqu’à la moitié de la jambe, dans le couloir principal, Hiro se tourna vers Jodha : « Je croyais qu’il n’y avait pas de piège. - Il n’y en avait pas, dit la danseuse, sur la défensive, l’eau était déjà dans la pièce. Regarde, elle est vide maintenant. C’était un simple réservoir. - Il y a tout de même une porte au fond, dit Hiro qui s’était avancé. Allons voir ! » La porte, située sur le mur de gauche au fond de la pièce, semblait elle aussi sans danger. Elle ouvrait sur un petit sas de trois mètres sur trois flanqué de deux nouvelles portes. Une grande, en face de la précédente, légèrement sur la droite et une petite cachée dans un recoin. Une fois tous entrés, la porte par laquelle ils étaient arrivés se referma. Sur cette face, elle ne présentait pas de levier, et ne pouvait donc pas être rouverte. Les compagnons étudièrent le sas soigneusement et conclurent que la grande porte les reconduirait certainement dans le couloir principal. Ils optèrent pour ouvrir d’abord la petite, bien que Hiro et Jodha soupçonnent qu’elle soit piégée. En effet, à l’ouverture de la porte, le niveau commença à monter progressivement. Jodha aperçut un coffre au fond de la nouvelle pièce et s’y précipita. Comme précédemment avec Hiro et Shinobi, la porte se referma derrière elle, l’isolant de ses amis. Elle étudia alors rapidement le coffre. Il était en pierre et ne présentait qu’une charnière métallique grossière et aucune serrure. Elle l’ouvrit prudemment et découvrit à l’intérieur trois leviers, identiques à ceux présents au centre des portes. La danseuse prit alors une grande inspiration, car elle savait que son choix reposerait uniquement que le hasard. Puis elle se décida et empoigna le levier de gauche. Elle tira de toutes ses forces, et la petite porte de la pièce s’ouvrit. « Alors ? demanda Hiro. - Il y a trois leviers, cria Jodha. Le premier à seulement ouvert la porte. - Essayes-en un autre, alors, lui conseilla le Naaresh, l’eau monte toujours. » La jeune femme inspira à nouveau puis empoigna le levier de droite. Il était tout aussi dur que le précédent mais elle parvint à le ramener vers elle. Rien ne se passa. « Rien, cria t’elle au groupe. Je tire le dernier ? - Non, dit Amar. Allons nous-en ! » Jodha rejoignit alors ses compagnons dans le sas et ensemble ils ouvrirent la grande porte et furent transportés par une vague qui, comme ils le présentaient, les amena dans le couloir principal, face à la salle du Gardien. Comme il se relevait, encore, Shinobi demanda : « Et maintenant ? Nous avons ouvert toutes les portes et nous n’avons pas trouvé cette huile. - Non, il y avait une autre porte, à l’entrée, dit Hiro. - C’est vrai, dit Amar, allons-y ! » Ils pataugèrent alors plus qu’ils ne marchaient, dans un vacarme, jusqu’à l’entrée du temple. L’eau leur arrivait presque à la taille. Ils s’arrêtèrent devant la porte et Shinobi leur dit : « Si l’huile se trouve bien derrière cette porte, elle risque d’être gardée. Préparez-vous ! ». Imité par ses compagnons, il dégaina alors son arme et, d’une épaule, poussa la porte de pierre pour la faire pivoter. Le guerrier ne s’était pas trompé, car derrière la porte, trois amphibes les attendaient, toutes griffes dehors. Encore appuyé contre la porte, le guerrier récolta une bille de fronde dans le thorax, qui ricocha contre son armure et alla se perdre dans l’eau. Hiro, juste derrière lui, s’avança courageusement vers ses adversaires, son khandar en main, prêt à les accueillir. Mais à sa grande surprise, les créatures disparurent sous l’eau. « Méfie-toi, dit le Naaresh à Amar qui entrait à son tour, ils nagent ! » Aussitôt, l’une des amphibes surgit derrière le moine, l’agrippa et le plongea sous l’eau dans le but de le noyer. La créature ne pouvait se douter que sa proie respirait sous l’eau. Elle perdit vite sa prise et se retrouva bientôt à son tour en mauvaise posture entre les mains du moine. Dans un craquement assourdit, sa nuque céda et son corps s’en retourna flotter sinistrement à la surface. Amar, quand à lui, ne refit pas surface et nagea plus loin dans la grande pièce à la recherche d’une nouvelle victime. Hiro, Jodha et Shinobi se mirent alors dos à dos, en triangle au centre de la pièce, afin de se protéger mutuellement. Armée de son khanjarli, la danseuse scrutait le fond, tentant d’y déceler un mouvement. Mais la faible lumière bleutée du temple ne permettait pas de percer le petit mètre d’eau de la pièce. Elle fut soudain accrochée à une cheville et tirée violement sous l’eau. Elle se replia alors sur elle-même et frappa frénétiquement dans ce qui l’avait attrapée. Elle toucha sa cible et fut libérée, mais elle s’était également entaillée sa propre jambe. Elle fit surface dans un hurlement et son adversaire lui bondit dessus, cette fois dans un saut au dessus de l’eau. La jeune femme réceptionna la créature sur la pointe de son arme et s’en suivit un combat acharné sous les flots. Jodha finit par se relever vainqueure, mais couverte de griffures, et constata que ses amis étaient venus à bout de la dernière amphibe. Malheureusement, cette pièce était vide une fois de plus, et présentait une nouvelle porte sur son mur gauche. Ils l’ouvrirent alors ensemble, après avoir reprit leur souffle. Retrouver la fameuse huile et quitter le temple avec la Pierre Prophétique devenait de plus en plus urgent, car le niveau de l’eau ne cessait de monter. Cette porte ci ne présentait pas de levier, et était étonnamment entre-ouverte. Ils peinèrent néanmoins à l’ouvrir car, avec de l’eau au-delà de la taille, il leur était difficile de s’appuyer au sol pour pousser. De l’autre côté, ils trouvèrent un escalier extrêmement raide, de trois mètres de large et plus de quinze mètres de haut. Amar dit : « Un autre niveau ! Pourquoi n’y a-t-on pas pensé ? - On aurait dû s’en douter, vu la taille du temple de dehors, renchérit Jodha. - Ne perdons pas plus de temps que nécessaire, gronda Shinobi. Continuons et en vitesse. » Le guerrier Hengeyokaï prit la tête du groupe et commença l’ascension, suivi de près par ses camarades. *** Rana frappa à la porte. Elle s’ouvrit brusquement et la Sœur ne cacha pas sa surprise : « Karisma ? » La princesse ne portait plus qu’une partie de son sari du dîner, et cheveux étaient à moitié défaits. Elle avait les yeux gonflés et on pouvait deviner le passage des larmes sur ses joues. « Tu t’attendais à quelqu’un d’autre en frappant à ma porte ? demanda t’elle d’un ton glacial. - Puis-je entrer ? Je dois te parler, dit Rana. - C’est ton palais, fais comme il te plaira. » La maîtresse des lieux entra donc et Karisma referma la porte de ses appartements derrière elle puis alla se jeter sur un petit fauteuil rempli de coussins à côté d’une grande fenêtre. Rana resta debout à observer l’état de la pièce. Il y avait des coussins un peu partout ainsi que des petites tables et décorations renversées. Karisma l’ignorait totalement. Rana finit par demander : « Où sont tes servantes ? Tu es dans un état aussi déplorable que tes appartements. - Je les ai renvoyées, dit Karisma. Je ne voulais voir personne. - Je suppose qu’elles n’ont pas dut apprécier, dit Rana en redressant une table pour y déposer une statuette en morceaux. - Il a fallu que j’emploie la manière forte, confirma Karisma. - Ce n’est pas digne d’une Princesse. - Je ne suis pas une Princesse, éclata Karisma, pas plus qu’une Sœur ! Elle attrapa un coussin à côté d’elle et le renvoya dans la statuette que Rana venait de ramasser. Je ne suis qu’une…exilée. Une « orpheline ». - Karisma, je te dois des excuses. J’aurais dû te parler de la prophétie beaucoup plus tôt. Je pensais que si tu l’ignorais, tu serais plus à ton aise ici. » A ces mots, Karisma se releva d’un bond et s’approcha de la petite Sœur d’un pas menaçant, la regardant de haut. « Alors c’est pour ça que tu tenais tant à me faire venir ici, à m’éloigner de Daarjing ? J’ai abandonné mon peuple pour ta prophétie ? - Non, mon enfant, répondit Rana, soutenant son regard de ses grands yeux bleus profonds. Tu n’aurais jamais atteint Daarjing de toute façon. J’ai toujours agi pour ta sécurité avant tout. Le fait est que les terres de Piya sont également le lieu idéal pour l’accomplissement de la prophétie. » Elle continua en s’éloignant, contournant Karisma pour regarder la ville par la fenêtre : « Ton peuple m’est aussi important que le mien. Ils sont tous citoyens de la Confrérie et nous devons sauver chacun d’entre eux. » La colère quitta le visage de Karisma, laissant la place à de nouvelles larmes alors qu’elle allait se rassoir dans le fauteuil près de la fenêtre : « Qui voudrait de moi, de toute façon ? Je ne suis qu’une enfant gâtée capricieuse et pleurnicharde, comme le dit si bien Shinobi. - Il a osé dire ça ? demanda Rana, choquée. - Oh, il a bien raison. Regarde-moi. - Nous pouvons y remédier, si tu le souhaites. Et de toute façon, n’oublie jamais : l’Amour frappe à toutes les portes, Karisma. Il n’obéit à aucune règle. C’est un cadeau que Piya fait à chacun de nous. » *** L’ascention fut rude, mais ils arrivèrent en haut du grand escalier, essouflés. Shinobi regarda tout autour de lui et eut un grand sourire de soulagement : l’étage semblait sec. Hiro lui fit une petite tape amicale sur l’épaule mais ne s’attarda pas au sortir de l’escalier. Il se dirigea immédiatement vers la grande porte, identique à celle de l’étage du dessous, qui lui faisait face. Il se rendit rapidement compte qu’elle ne présentait pas de levier. Le couloir faisait un coude sur la gauche et se rétrécissait, pour ne plus faire qu’un mètre de large environ. Quand il fut sûr que tout le monde le suivait, Hiro s’y engagea. Après quelques mètres, les murs du couloir s’éloignaient de nouveau et ouvraient sur un bassin. De l’autre côté, deux issues étaient visibles : un autre couloir sur la gauche et une petite porte sur la droite, mais il devait traverser le bassin pour y accéder. Le Naaresh s’avança prudemment vers le bord de l’eau. Malheureusement il ne put y voir que le reflet des globes bleus qui illuminaient la pièce. Il était impossible de deviner la profondeur du bassin, ni de voir si quelque chose s’y cachait. Il fit alors part de ce problème à ses compagnons. Amar s’avança et dit : « Laisse-moi voir si je peux faire quelque-chose. » Il tendit une main vers l’eau et plaça son autre main sur sa tempe droite. Il ferma alors les yeux et resta dans cette position, immobile pendant près d’une minute. Puis il se retourna vers ses amis et dit : « Il y a un être vivant dans ce bassin. » Tout à coup, une tête jaillit hors de l’eau. C’était une tête aux traits vaguement humains, mais dont le visage était couvert d’écailles vertes. Ses yeux brillaient d’une couleur émeraude et son corps était celui d’un serpent gigantesque, au dos hérissé de pointes oranges et rouges. Il prononça immédiatement un mot sifflant à l’attention d’Amar. Le moine resta là, à regarder le monstre sans rien entreprendre. De concert, Shinobi et Hiro tirèrent les armes et se ruèrent vers le bassin pour affronter la bête. Elle esquiva le coup d’Hiro mais la lame du guerrier lui arracha quelques écailles sur le flanc. Le monstre recula alors de quelques mètres afin d’être hors d’atteinte des épées et siffla à nouveau, ses yeux brillants fixés sur Shinobi. En jaillit alors un projectile vert fluorescent qui s’écrasa sur l’armure de cuir du Hengeyokaï, l’éclaboussant d’une substance acide qui se mit à la dévorer lentement. Amar, sortit de son hébétement, incanta à son tour, appelant la bénédiction des dieux. Hiro lâcha son khandar et prit en main son arc alors que Shinobi se mettait en garde devant ses compagnons, provoquant le monstre du regard. La bête les toisa tour à tour et ne vit pas voler le khanjarli de Jodha, venu de derrière les hommes, qui vint se planter juste sous sa tête. Le monstre hurla et plongea dans le bassin, laissant ainsi un petit temps de répit à ses adversaires. Sans prévenir, Amar se jeta à l’eau. Jodha s’approcha alors du bord de l’eau, tandis qu’Hiro encocha une flèche et banda son arc, prêt à tirer à la moindre occasion. Quelques secondes passèrent, interminables, puis un éclair illumina le bassin. Le monstre jaillit à nouveau hors de l’eau, encore fumant et visiblement très contrarié. Hiro décocha sa flèche, mais celle-ci ricocha sur les écailles de la bête, alors qu’elle tentait de mordre Shinobi, folle de rage. Le guerrier se protégea de sa lame et entailla au passage le visage humanoïde au niveau de la bouche. Hiro en profita pour tirer à nouveau et cette fois il réussit à atteindre sa cible, sur la face ventrale du corps du serpent. Le monstre changea alors de proie et envoya vers Hiro trois boules de vive lumière bleue. Le Naaresh sauta de côté pour les éviter mais les projectiles firent demi-tour et s’écrasèrent sur son dos, lui infligeant de lourdes décharges d’énergie magique, qui lui arrachèrent un cri de douleur. Jodha se saisit alors de l’arc de son compagnon et décocha une nouvelle flèche dans le flanc de la bête. Se sentant en danger, le monstre tenta de replonger, récoltant au passage un violent coup de choora de la part de Shinobi. Elle disparut alors à nouveau dans les eaux du bassin. Il y eut soudain un nouvel éclair, puis plus rien pendant de longues minutes. Amar reparut enfin à la surface, le visage satisfait : « La voie est libre, il n’y en a pas d’autre, dit il à ses compagnons. Vous allez bien ? - Des blessures superficielles, assura Shinobi. Nous pouvons continuer. - Quel chemin devons-nous emprunter ? demanda Jodha. - Nous savons qu’il y a une porte ici, dit Hiro en désignant l’issue de droite. Je propose que nous allions voir où mène ce couloir, à gauche. - Ca me convient, dit Amar. Oh, Shinobi, j’espère que tu ne vois pas d’inconvénient à nager. » Shinobi, qui finissait de rincer son plastron pour en éliminer les restes d’acide, répondit : « Quand je le peux, mon ami, j’évite toujours de me mouiller. » L’image du grand guerrier devint soudain trouble. Ses compagnons virent ses traits changer. Son cou s’allongea, son nez et sa bouche fusionnèrent pour former un bec, ses jambes s’affinèrent et ses bras se changèrent en de grandes ailes aux plumes cendrées. L’être hybride prit alors son envol sous les yeux ébahis de ses compagnons et se posa sur la rive opposée du bassin. Il se troubla à nouveau et reprit sa forme humaine : « Comme je te l’ai dit, je n’aime pas l’eau, ça m’empêche de voler. » Alors que le guerrier, fier d’avoir stupéfié ses amis, s’engagea dans le passage de gauche, Amar, toujours dans l’eau dit à Jodha : « Au fait, je pense que tu as perdu ça. » Il lui tendit son khanjarli. La danseuse plongea alors et récupéra son arme avant de rejoindre le bord opposé. Le moine ajouta alors en sortant de l’eau à son tour : « Vous les femmes ne faites jamais attention à vos affaires. - Pardon !? lança Jodha, offusquée. Et peux-tu me dire où se trouve ton lathi, monsieur ? - Quelque part autour de la barque de Daramdas, sans doute, répondit Amar sans se démonter. Je me suis dit qu’il aurait peut-être besoin de se confectionner une canne à pêche. » Jodha suivit Shinobi en levant les yeux au ciel tandis que Hiro quittait à son tour le bassin avec un grand sourire amusé. De l’autre côté, Hiro découvrit un étroit passage dissimulé dans l’ombre qui l’amena face à une nouvelle grande porte. Sur sa droite, des bruits de pas claquaient au détour d’un couloir étroit. Il fit signe à ses compagnons de rester discret et ils sortirent à nouveau les armes, lentement. Trois amphibes passèrent alors le coude du couloir et apparurent devant eux, tout en conversant dans une étrange langue gutturale. Hiro, caché derrière un coin du mur, à côté de la porte, attendit que la première créature soit à sa portée et lui transperça la poitrine d’un violent coup d’estoc en quittant sa cachette. Ce fut le signal que Shinobi attendait pour passer à l’action. Il profita de l’effet de surprise pour charger et renverser les deux autres créatures. Hiro et Shinobi se jetèrent alors sur elles, mais elles purent facilement se défendre à l’aide de leurs griffes et furent bientôt de nouveau debout. Amar s’approcha du cadavre laissé au pied de la porte et récupéra l’étrange lance qu’elle portait. Il coinça le fer dans la fente qui entourait la porte et donna un violent coup de pied dans le manche, désolidarisant ainsi les deux parties : « Me revoilà armé, dit le moine en faisant tourner son nouveau bâton. Ça va faire mal !» Il se lança dans le couloir et sauta par-dessus ses compagnons pour se retrouver derrière le combat. Une des créatures lui envoyé alors un violent coup de queue qu’il reçut dans le haut de la cuisse, mais il tint bon. Le couloir était trop étroit pour permettre à Jodha de prendre part au combat. Elle encocha alors une flèche sur l’arc d’Hiro qu’elle détenait toujours, dans l’attente d’une cible à découvert. Mais l’occasion ne se présenta pas cette fois. Les trois hommes mirent rapidement fin à la vie de leurs adversaires. La danseuse, qui conserva l’arc, eut l’occasion de s’en servir dans les pièces suivantes. En effet, cet étage du temple se révéla bien plus peuplé que le précédent, et certains des hommes-poissons étaient armés de lances artisanales. Dans une salle, deux amphibes semblaient se chamailler pour un petit coffre de bois, qui s’avéra renfermer trois belles gemmes de couleur bleue marine. Plus loin, les compagnons entrèrent dans ce qui semblait être un dortoir où une demi-douzaine de créatures dormait dans des hamacs confectionnés à partir d’algues tressées. A côté de chaque hamac pendait une petite bourse faite des mêmes algues et qui contenaient les objets personnels des amphibes : carapaces de tortues, pinces de crabes, coquillages et quelques rares pièces. Malheureusement les intrus ne prirent pas le temps de tout fouiller convenablement, car quelques minutes plus tôt, alors que Shinobi redisait sa joie de se déplacer au sec, ils avaient actionné un levier qui déclencha une pluie dans tout le temple. L’eau s’accumulait à nouveau au sol et ils n’avaient toujours pas trouvé l’huile. Ce n’est qu’après de longues heures à patauger et à faire couler le sang des amphibes, salle après salle, que les compagnons arrivèrent enfin devant une grande porte sur laquelle étaient gravés les douze symboles des divinités du Poojar. La porte était dépourvue de levier mais il y en avait sur les murs de part et d’autre. Hiro prit son temps pour les étudier, alors que Shinobi s’impatientait, l’eau ruisselant sur son visage. Finalement, le Naaresh tira le levier du mur de droite. Il y eut un grincement, et la pluie s’arrêta : « Bénédiction ! cria le Hengeypkaï. - Effectivement, ça soulage, confirma Jodha, trempée jusqu’aux os. - Oui, mais la porte n’est toujours pas ouverte, dit Hiro qui poussait désespérément sur le mur bardé de métal pour le faire pivoter. - Celui-ci te semble piégé ? demanda Amar en désignant le levier de gauche. - Non, essayons, dit Hiro. » Lorsqu’il tira le second levier, la porte sembla se décoincer. Ils poussèrent alors tous ensemble et elle pivota, comme les autres, sur son axe vertical. Elle s’ouvrit sur une salle qui très semblable à celle de la Pierre. Elle était éclairée de globes jaunes et présentait un grand dôme en dessous duquel se tenait un grand piédestal de pierre. Sauf que celui-ci était vide. « Où donc est cette huile ? demanda Shinobi, de nouveau sur les nerfs. - Approchons pour voir, dit Amar. - Non ! cria Hiro. Faites attention, il y a certainement un piège ici. - Il a raison, dit Jodha, je ne le sens pas du tout. Cela nous a prit du temps pour venir, mais nous l’avons fait sans grande difficulté. C’est maintenant que nous devons prouver qui nous sommes. - Il est vrai que mis à part quelques griffures, nous nous en sortons plutôt bien, concéda Amar. Que pouvons-nous faire ? - Dans un premier temps, peux-tu déceler des traces de magie ? demanda Hiro. » Amar tendit les mains devant lui et chuchota une incantation. Ses compagnons purent sentir les étranges vibrations de sa magie qui scrutait les alentours : « Il y a des traces, assez faibles néanmoins, à l’intérieur du piédestal. Je n’ai rien senti autour. - Alors il va nous falloir fouiller, annonça Jodha. - Ca va être difficile avec toute cette eau au sol, dit Hiro. - Je m’occupe du sol, dit la danseuse en ôtant ses sandales, je te laisse les murs. » Amar et Shinobi étudièrent leur butin prélevé chez les amphibes pendant que leurs amis s’adonnaient à l’étude minutieuse de l’ultime pièce du temple. Soudain ces derniers s’écrièrent en chœur : « J’ai trouvé quelque chose ! - Quoi ? demanda Shinobi, qui perdait vraisemblablement patience. - Il y des dalles mobiles ici, probablement un déclencheur, dit Jodha, à genoux un mètre avant piédestal. - Et là-haut, certainement ce qu’il déclenche, ajouta Hiro en pointant du doit une énorme boule de roc nichée sous le dôme et retenue par de petites pièces métalliques. - Bravo, mes amis, dit Amar, je n’aurais pas aimé être en dessous alors que ce rocher quittait sa niche. - Marchez dans mes pas, ça devrait aller, dit Jodha en contournant les dalles mobiles pour s’approcher du piédestal par la droite. » Tous suivirent scrupuleusement la danseuse. Le piédestal présentait une grande marche carrée, surplombée d’un large cylindre poli d’un mètre de haut. Au centre du cylindre, il n’y avait qu’un trou d’environ un centimètre de diamètre à peine. Amar conclut rapidement : « L’huile est au fond, c’est l’aura magique que j’ai sentie. - Très bien, dit Hiro mais comment la récupérer ? Il nous faudrait… - Une paille ? le coupa Shinobi en lui tendant le petit tube de bambou que le Gardien lui avait remit. - Parfait ! dit le Naaresh. » Il enfonça la paille dans le trou en prenant soin de ne pas la lâcher. Ne la tenant que du bout des doigts, il tenta d’aspirer, mais rien ne vint : « La paille est trop courte, dit il. - Mais nous n’avons rien d’autre, dit Jodha. - Abordons le problème autrement. Si nous ne pouvons pas descendre jusqu’à l’huile, essayons de la faire monter, proposa Amar. - Oui, envoyons-lui une corde, ironisa Jodha. - Ou simplement de l’eau ! L’huile reste à la surface de l’eau, dit le guerrier d’un ton triomphant. » Tous se tournèrent vers lui et Amar lui dit : « Des ailes et un cerveau, tu es décidément plein de surprises, Shinobi ! » Le guerrier ignora la remarque et se pencha pour ramasser de l’eau entre ses mains et en remplir l’orifice du piédestal. « Doucement, dit Hiro, il ne faut pas que ça déborde. Quand l’eau atteignit le bord du trou, il ajouta. Maintenant, attendons que ça décante, il ne faudrait pas ramener de l’eau. - Dans quoi allons nous rapporter l’huile ? demanda Jodha ; - Ah, je n’y avait pas pensé. - Utilisons une fiole, dit Amar. - D’accord, mais pas celle d’une potion de respiration, dit Hiro. Je ne veux plus mâcher de cette horrible pâte. » Amar tendit alors une potion de soins à Shinobi, qui put ainssi soigner ses dernières blessures. Puis Hiro introduisit la paille dans le piédestal. Il en boucha l’extrémité supérieure avec son index, bloquant ainsi l’huile à l’intérieur. Il en remplit la fiole vidée par son compagnon, la reboucha et la rangea soigneusement dans sa sacoche : « Allons revoir le Gardien, dit il. » Le chemin du retour fut beaucoup plus rapide car, mis à part l’absence d’ennemis, un couloir menait directement à la porte face à l’escalier. En bas, l’eau qui remplissait le temple avait miraculeusement disparut, ne restait plus que les quelques centimètres présents lorsqu’ils étaient entrés. Quand Hiro tendit au Gardien la fiole d’huile sacrée, ce dernier la sonda brièvement. Puis une larme roula lentement sur sa joue alors que son visage s’illuminait : « Vous êtes les élus, dit il en redonnant la fiole au Naaresh. La Pierre Prophétique est à vous, faites-en bon usage. Je vous dis Adieu, car nous ne nous reverront plus en ce monde. Ce temple et moi-même n’avons plus de raison d’être. Je suivrais votre quête avec grand intérêt depuis les Royaumes Célestes. Allez, maintenant, car le temps est votre plus grand ennemi. » Dans une explosion de lumière aveuglante, Swami Jagu, Gardien de la Pierre Prophétique disparut. Les globes jaunes avaient cessé de luire et la pièce sous le dôme fut plongée dans l’obscurité. C’est alors que résonna de toute part le bruit sourd d’un torrent d’eau qui se mit à remplir les couloirs. L’eau montait à une vitesse phénoménale. Shinobi lança à Jodha et Hiro les fioles de respiration aquatique qu’ils avalèrent en courant vers le sas de sortie. Ils luttèrent tous les quatre, usant de leurs dernières forces pour refermer la porte donnant sur le temple, contre les flots déchaînés. Quand elle fut enfin enclenchée, le diaphragme de la porte extérieur s’ouvrit, laissent entrer l’eau du lac qui les plaqua contre les murs et fit craquer leurs os alors que leurs poumons se vidaient sous le poids de l’eau. Hiro rassembla toute sa volonté pour ne pas perdre connaissance et s’agrippa à sa sacoche qui contenait leur précieux trésor. Le courant les arracha ensuite aux murs et les projeta hors du temple en tournoyant, incapables de se diriger. Puis tout fut calme à nouveau. Ils flottaient dans l’obscurité. *** Les pâles rayons du soleil se décidèrent à percer la nuit, marquant le début du trente-deuxième jour d’Ekanga de cette année 237 de l’Ère Troisième. La face Naar du palais de Mohabat prit une teinte dorée et une douce chaleur entra par les grandes fenêtres des appartements mis à la disposition de Karisma. Ce fut l’instant choisi par ses servantes pour frapper à la porte et entrer, comme à l’accoutumée, non sans une certaine appréhension. Cependant, la princesse avait passé la dernière nuit à méditer les paroles de Rana. De plus, elle ne voyait pas comment elle pourrait agir autrement sur les événements en cours. Tous ses espoirs résidaient dans l’appel à l’aide que Rana souhaitait lancer aux dieux. Elle permit donc au servantes de la laver et l’habiller afin qu’elle se rende à nouveau sur le grand balcon, retrouver les autres nobles pour le petit déjeuner où elle s’attendait maintenant à recevoir la prochaine mauvaise nouvelle. Mais il n’en fut pas ainsi. En effet, un page accouru dans la couloir, alors qu’elle sortait de ses appartements. Il a bout de souffle, le jeune garçon l’interpella maladroitement, et tout en s’excusant, lui annonça que Sœur Rana l’attendait aux portes du palais. Il y avait urgence. Karisma traversa les longs couloirs et dévala les escaliers à une vitesse folle, laissant sa suite loin derrière elle. Dans le grand hall, elle découvrit Rana, le chef Oberoï et quelques autres nobles. Rana remerciait un homme du peuple chaleureusement : « Tu as un cœur noble, Daramdas, lui disait elle. La Confrérie t’est redevable. Je te dédommagerai pour tes journées de travail perdues et te permet de séjourner au palais quand bon te semble. Je te ferai également parvenir du matériel neuf pour ta pêche chaque fois que tu en auras besoin.» Derrière les portes ouvertes, Karisma aperçut une charrette à bras, que le pêcheur avait vraisemblablement porté jusque là, dans laquelle gisaient des corps inconscients : ceux de Amar, Hiro, Shinobi et Jodha. Son cœur faillit s’arrêter de battre, mais sa raison lui dit qu’ils ne pouvaient être morts. Elle ignora les nobles et le pêcheur et s’approcha de ses amis. Elle fut rassurée de voir qu’ils respiraient bien. Rana ordonna alors à des soldats de porter les aventuriers inconscients a l’interieur et envoya chercher des Brahmanes. Daramdas fut également conduit dans un des multiples salons du palais pour y recevoir à boire et à manger. Ne restaient plus devant les portes que Rana et Karisma. La princesse demanda, accompagnant du regard les soldats qui transportaient ses amis : « Que leur est-il arrivé ? - Le pêcheur était leur guide, expliqua la Sœur. Il les a ramenés récupéré dans cet état sur le Lac. - Ont-ils réussi ? » Rana ouvrit la sacoche d’Hiro qu’elle tenait entre ses mains et que Karisma n’avait pas encore remarquée. Elle en sortit la Pierre Prophétique et la fiole d’huile sacrée : « Oui, dit elle avec enthousiasme, ils l’ont fait. Ils pourront se reposer encore un jour ou deux, le temps pour les prêtres et moi de préparer la cérémonie. Ton calvaire et celui de la Confrérie touchent à leur fin, ma Sœur. - Espérons le, conclut Karisma dans un grand soupir.» Les deux femmes quittèrent alors le hall, et Karisma se dirigea vers le salon ou Daramdas fut conduit, décidée à en apprendre davantage sur la raison du mal-être de ses amis. La cérémonie eut lieu deux jours plus tard, dans la grande salle du temple de Piya, au bord du Lac. Une procession était partie du palais au couché du soleil et avait suivi la Pierre portée par Rana sur la longue route encadrée de hauts murs qui reliait la cité aux grands escaliers qui plongeaient dans le Lac. Le grand temple de Piya dominait les escaliers sur une immense esplanade de pierre. Il était pour recouvert pour l’occasion de milliers de lampes et bougies, qui illuminaient ses statues et faisaient danser leurs ombres au gré du vent. Les prêtres se postèrent en cercle autour d’un immense brasero au centre de l’esplanade. Amar et ses compagnons se tenaient à l’écart et observèrent la cérémonie de loin. Les prêtres entonnèrent une série d’incantations complexes, certaines si mélodieuse je l’on aurait dit des chansons. Puis le grand prêtre prit la Pierre des mains de Rana, y déversa l’huile sacrée et la fit rouler dans ses mais douze fois avant de la jeter dans les flammes. Elle brûla alors en projetant une vive lumière bleue. Le prêtre fit signe à Rana qui déclama : « Enfant du Peuple Céleste, toi qui dirigea les plus grandes batailles des Hommes et a construit ce pays et ses loi, vois comme Raj trahit ta confiance. « Grand dieu, je demande ton aide. Aide nous à nous défendre et ramener l’ordre et la paix dans la Confrérie. » Tous les regards restèrent tournés vers le feu, mais rien ne se passa. Karisma, qui se tenait également à l’écart, saisit la mais de Hiro et le serra de toute ses forces, prête à éclater à nouveau en sanglots, tous ses espoirs s’envolant avec cet échec. Soudain, près de dix minutes après l’appel de Rana, un des prêtres sortit du cercle et contourna la braséro pour venir se placer juste devant elle, après être entré en transe, et dit avec une voix qui ne lui appartenait pas : « J’ai répondu à ton appel, Sœur Rana, car il était juste. J’ai donné à Karisma la Pure un fils. Il naîtra dans un an, sera beau et fort et ramènera la Paix.» Le prêtre sortit de sa transe et tomba à terre. C’est alors que la Pierre Prophétique se mot à briller encore plus fort, puis il y eut comme un éclair et elle se consuma entièrement, jusqu'à disparaître dans un murmure. A leur tour, les flammes diminuèrent et le feu finit par s’éteindre, ne laissant dans le brasero que des cendre et un étrange parchemin. Rana s’en saisit et dit, stupéfaite : « Du Céleste. - Vous permettez, Madame, demanda le grand prêtre. - Bien entendu, dit Rana en lui remettant le parchemin. Pouvez-vous le traduire ? » Le prêtre hocha la tête et lut, sa voix portant assez loin pour que Amar et ses compagnons entendent : « Il est écrit “ Pour aider les Hommes et les mener à la victoire, toujours je serais là, moi Enfant du Peuple Céleste. “Trouvez ma cité cachée et tous vos désirs prendront vie, et le monde vous appartiendra car je serai à vos côtés. “Le temps vous est compté. La naissance de l’Enfant réveillera Kacham et il sera trop tard.” » Le grand prêtre leva alors un regard troublé vers Rana, confirmant ses doutes. Karisma maintenant blême dit alors à ses compagnons : « Nous voilà donc avec deux nouvelles prophéties !»

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